À quelques mètres de l’autoroute de Zahlé, le camp de « Hamed el-Hassan », où vivent 480 réfugiés syriens, n’est plus que cendres. Autour, des enfants, les mains noircies, jouent avec la ferraille, alors que de la fumée blanche s’échappe toujours du terrain de 6 000 m². Les adultes, eux, errent entre les débris à la recherche de quelques affaires épargnées par les flammes. En vain. De la porcelaine cassée sur le sol, une bicyclette calcinée, un bout de tissu à moitié brûlé, des toilettes communes qui tiennent toujours debout… sont les seules traces qui restent de leur existence.
Il est près de midi, lorsqu’un important incendie se déclare dans l’un des abris de fortune du camp. « J’ai vu la tente de ma voisine en feu, on a essayé de l’éteindre avec de l’eau. Ca n’a pas fonctionné », raconte Fatima*, une réfugiée d’Alep, dont le mari est handicapé. « J’ai appelé à l’aide pour qu’on puisse le sortir. Un de mes fils a été blessé. Son pied était rempli de sang », souffle-t-elle, en sortant de ce nuage de suie, toujours sous le choc. Dépêchée rapidement sur place, la Défense civile met plus d’une heure à maîtriser l’incendie. « Il s’est rapidement étendu en raison de la température, du vent », ainsi que de la présence dans les tentes de matières inflammables (essence, caoutchouc, gaz…), et de la proximité entre chaque structure, a indiqué, par téléphone à L’OLJ, le responsable de la Défense civile, Fayez el-Cheïyyé, qui ne fait état d’aucun blessé. « Pour l’instant, nous ne connaissons pas les causes de l’incendie, mais une enquête sera menée », affirme-t-il.
« C’était accidentel, un faux contact électrique… », affirme Mohammad*, un réfugié d’Alep. « Nous ne savons pas où aller, nous n’avons plus de maison, ni ici ni en Syrie », s’emporte ce père de six enfants. Comme d’autres sinistrés assis à même le sol autour du camp, il observe, désabusé, son « chez soi » carbonisé.
« Les Libanais ne veulent plus de nous »
Dans ce camp, situé près des bureaux du Haut-Commissariat des réfugiés de l’ONU, des employés d’ONG et du HCR échangent avec les personnes sinistrées. « Ils évaluent la situation », explique, sous couvert d’anonymat, l’une de ces derniers, « afin de pouvoir coordonner l’aide à leur apporter avec les autorités compétentes, comme le mohafez, et d’autres partenaires » . Elle précise que le HCR compte établir un abri « collectif » pour accueillir temporairement les victimes de l’incendie qui ne pourraient pas trouver refuge auprès de proches. « Nous ne savons pas s’ils pourront reconstruire pour le moment… » ajoute-t-elle.
Parmi les débris, Zahra, qui se présente comme la « coordinatrice » du camp, se tient là où se trouvait sa tente. « Il y avait parfois six familles dans un même abri… » dit-elle. Si certains ne savent pas où ils pourront passer la nuit, elle se réfugiera chez des proches avec sa famille de cinq enfants en bas âge . « Mais combien de temps pourront-ils nous supporter ? » Zahra craint le pire : « Les Libanais ne veulent plus de nous, nous sommes devenus un poids pour eux. J’ai peur que cet incendie devienne une excuse pour que l’on quitte les lieux. »
Depuis le meurtre, début avril, de Pascal Sleiman, un responsable des Forces libanaises à Jbeil, pour lequel des suspects syriens ont été arrêtés, les nombreux ressortissants de ce pays font face à la résurgence d’une campagne politique appelant à leur départ – malgré les réserves des ONG et organisations internationales –, à laquelle se sont greffés de multiples actes de violence à leur encontre.
« Des Libanais sont même venus prendre en photo l’incendie et rigolaient », affirme même Fatima, qui s’est installée dans ce camp il y a deux ans. « Maintenant, je vais dormir dans la rue… J’ai peur que l’on ne puisse plus revenir. » Venu sur place constater l’ampleur du drame, Mohsen el-Zein, un agriculteur libanais chargé par son propriétaire de la location – quelque 400 dollars annuels par tente – du terrain agricole sur lequel est installé le camp, fait entendre un autre son de cloche : « On va voir comment on peut les aider », dit-il, avant d’ajouter : « Ici, tout se passe bien entre Libanais et Syriens. »
« Certains disent que des Libanais ont incendié les lieux… Nous ne faisons pas ça, nous supportons beaucoup », lâche Mireille*, une commerçante à quelques pas des lieux. Elle confie néanmoins espérer que le camp ne reverra plus le jour : « Il fallait voir combien sont sortis de là… Cela montre qu’ils sont beaucoup trop nombreux… »