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Guerre de Gaza : notre dossier spécial
Victime collatérale des crises et des conflits traversés par le pays du Cèdre, le sport libanais a été frappé de plein fouet par une guerre qui s’invite de plus en plus en profondeur dans son territoire. Dans une série de frappes israéliennes menées sur la Békaa ces derniers jours, le raid mené lundi soir sur le village d’Ansar, en périphérie de Baalbeck, a coûté la vie à une figure du football local : Moustapha Ghorayeb, capitaine de l’équipe du « Tajamo’ Chabab de Baalbeck ».
« Notre club pleure la disparition de son joueur et capitaine mort en martyr lors de la cruelle agression israélienne sur notre ville », a écrit quelques heures après son décès le club de la Békaa, qui venait tout juste de fêter la première promotion de son histoire en première division. « Nous présentons nos sincères condoléances et notre sympathie à la famille de Moustapha Ghorayeb ainsi qu’au club des Chabab de Baalbeck », a déclaré de son côté la Fédération libanaise de football dans un communiqué publié mardi.
Ce raid a également fait sept blessés, dont Mahmoud Alam, fils du président du club et directeur de l’hôpital de Dar el-Amal. C’est ici même que le footballeur a succombé à ses blessures, après y avoir été transporté en urgence avec son ami et six autres blessés, dont des Syriens résidant juste à côté du bâtiment touché par deux missiles aux alentours de 22h30 lundi soir. « Moustapha et Mahmoud se trouvaient sur le toit de l’immeuble au moment de la frappe », précise une employée de l’hôpital. « Il s’agit d’une usine d’huile d’olive avec un élevage de pigeons sur le toit », ajoute-t-elle.
« Les trois quarts de l’équipe auraient pu être tués »
Dans sa communication quelques heures après la frappe, le porte-parole arabophone de l’armée israélienne Avishae Adraee a affirmé que la cible était « un centre utilisé par le Hezbollah pour préparer des frappes aériennes ». Une version de nouveau contredite par les riverains présents sur les lieux le lendemain du drame pour constater les dégâts. Ces derniers attestent de la « neutralité » de l’endroit en précisant que ce bâtiment accueillait en outre des bureaux du ministère de l’Industrie, ainsi qu’un entrepôt de stockage au sous-sol où était disposé du matériel médical appartenant à l’hôpital de Dar el-Amal.
Sur le toit de cet immeuble de deux étages, réduit à l’état de ruines, Moustapha Ghorayeb s’apprêtait à passer une soirée banale avec Mahmoud, propriétaire de la luxueuse maison voisine, et le reste de ses coéquipiers. Une tragédie encore plus grande a été évitée de peu car, au moment de la frappe, de nombreux autres joueurs de l’équipe de Baalbeck étaient justement en route pour le « salon » où l’équipe se réunit « presque tous les jours depuis plus d’un an ».
« Si la frappe avait eu lieu 10 minutes plus tard, ce sont les trois quarts de l’équipe qui auraient été tués », lâche Ali Hassan, encore sous le choc. L’entraîneur du club récemment promu dément lui aussi en bloc l’existence d’un quelconque lien entre le Hezbollah et le bâtiment touché : « C’est un espace aménagé par le frère du président du club pour que les joueurs se retrouvent entre eux. Ils y jouent aux cartes, à la PlayStation… rien de plus », abonde le coach, qui regrette que son capitaine ne puisse jamais assister aux premières rencontres de l’histoire du club dans l’élite du football libanais.
Moustapha Ghorayeb, qui exerçait également comme photographe pour une agence locale, vient ainsi s’ajouter aux 48 civils parmi les plus de 300 personnes tuées côté libanais depuis le début des hostilités entre l’armée israélienne et le Hezbollah au Liban-Sud, le 8 octobre dernier. À noter que la milice chiite n’a jusqu’à cette heure publié aucun communiqué rendant hommage au joueur pour l’ériger au rang de « martyr sur la route de Jérusalem ».