Mardi, les représentants des partis chrétiens, à l’exception des Marada, se réuniront une nouvelle fois pour poursuivre les discussions.
OLJ / Par Yara ABI AKL
Rendez-vous mardi à Bkerké. C’est là que des représentants des partis politiques et blocs parlementaires chrétiens se réuniront sous la houlette du patriarche maronite, Béchara Raï, afin de poursuivre les discussions autour du « document de Bkerké ». Théoriquement, ce texte, en gestation depuis plusieurs semaines, devrait présenter une vision unifiée de la communauté quant à certaines questions jugées « existentielles ». Sauf qu’on est encore loin du compte. Et pour cause : si les parties impliquées dans le processus convergent sur les grandes lignes du texte, à commencer par la nécessité d’élire un président de la République dans les plus brefs délais, les divergences demeurent profondes sur des points tout aussi cruciaux, tels que la politique étrangère du pays et, surtout, l’arsenal du Hezbollah. Une question qui se trouve au centre des débats en cours et qui semble pousser des ténors de l’opposition à formuler des doutes quant à l’intérêt de la démarche, et à en réduire les attentes.
Tel est le cas du chef des Forces libanaises, Samir Geagea. Dans une interview accordée il y a près de deux semaines à la chaîne publique Télé-Liban, le leader maronite a créé la surprise en avouant voir dans le processus de l’élaboration du document « beaucoup de bruit pour rien », affirmant « ne pas être convaincu » de la portée de ces réunions. Des propos qui avaient de quoi susciter des craintes quant à l’avenir de la démarche désormais sous le feu des critiques d’une formation chrétienne majoritaire. « Nous n’avons pas dit que c’était une quadrature de cercle. Mais si les réunions n’aboutissent à rien de concret, se sera vraiment beaucoup de bruit pour rien », nuance Fady Karam, député FL représentant le parti aux réunions de Bkerké. Il affirme à ce titre que les contacts se poursuivent « dans une atmosphère positive » pour parvenir à publier le « document de Bkerké ». « Il est évident que le texte sur lequel devraient déboucher les réunions du siège patriarcal doit aborder clairement le principal fléau du pays, à savoir les armes du Hezbollah qui empêchent l’édification d’un État en bonne et due forme », déclare sans ambages le porte-parole des FL, Charles Jabbour. Balayant d’un revers de la main les informations rapportées récemment dans la presse selon lesquelles le parti de Samir Geagea pourrait se retirer du processus si la question des armes n’est pas clairement abordée, M. Jabbour renvoie la balle dans le camp du principal rival chrétien de sa formation, le Courant patriotique libre de Gebran Bassil. « Ce sera une très bonne chose si le CPL apporte son contreseing à un document qui critique le Hezbollah pour son arsenal », dit-il. « Si la démarche ne porte pas ses fruits, nous aviserons », ajoute M. Jabbour. De leur côté, les Kataëb (représentés par Sassine Sassine, conseiller du chef du parti, Samy Gemayel) pressent pour la mise en application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de Sécurité de l’ONU. Le texte stipule la dissolution et le désarmement des « milices libanaises et non libanaises », dans une référence claire notamment au Hezbollah. « L’application de la 1559 est le premier pas sur la voie du recouvrement de la souveraineté du pays », déclare M. Sassine à L’OLJ.
En face, le courant aouniste, dont les rapports avec le « parti de Dieu » frôlent la rupture sur fond de la guerre à Gaza et de la présidentielle, se montre prudent, comme pour ne pas couper définitivement les ponts avec son (ancien ?) allié. « Le point articulé autour du Hezbollah et des armes de la Résistance fait toujours l’objet de discussions », affirme ainsi une personnalité proche de Gebran Bassil. Le chef du CPL avait appelé Bkerké à réunir l’ensemble des leaders chrétiens pour faire face au risque de « marginalisation » de la communauté. « Le patriarche n’a pas répondu favorablement à la demande, se contenant pour le moment de réunir des représentants des partis, mais nous participons tout de même », abonde la source précitée. D’ailleurs, dans les cercles du parti, on se dit « désolé de voir des chefs de file chrétiens critiquer une démarche initiée par le patriarche maronite », en référence à Samir Geagea.
Frangié à Bkerké ?
Toutefois, comme lors de la dernière réunion interchrétienne, les Marada de Sleiman Frangié, candidat du tandem chiite Amal-Hezbollah à la présidentielle, ne répondront pas présent à Bkerké. La raison semble évidente : ne pas froisser le parti de Hassan Nasrallah en prenant part à un processus qui prendrait pour cible son arsenal. À quelques jours du rendez-vous, les Marada se sont toutefois justifiés auprès du chef de l’Église maronite. « J’ai expliqué à Mgr Raï samedi, lors d’un entretien, que l’approche adoptée pour mettre en place le document attendu ne correspond pas à notre vision des choses », rapporte à L’OLJ le ministre sortant de l’Information, Ziad Makari, proche de Sleiman Frangié. Selon lui, le leader de Zghorta – en déplacement à Paris – se rendra prochainement à Bkerké pour mettre les points sur les « i ».
En revanche, le Tachnag devrait participer cette fois-ci à la réunion de mardi. « Il s’était absenté des réunions précédentes pour des raisons qui lui sont propres, mais qui ne sont pas d’ordre politique », apprend-on auprès d’une figure proche de Bkerké. Cette source affirme, en outre, que le processus ne connaît pas de retard et progresse selon un programme préalablement établi.