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Guerre de Gaza : notre dossier spécial
Wafic Safa, responsable de l’unité de coordination au sein du Hezbollah, s’est rendu lundi aux Émirats, a indiqué mardi le bureau de presse du parti chiite à L’Orient-Le Jour, confirmant des informations rapportées par plusieurs médias libanais. C’est la première fois qu’un responsable du Hezbollah se rend aux Emirats, a affirmé la porte-parole du parti chiite à L’OLJ.
« Wafic Safa tente de conclure un accord pour la libération de plusieurs détenus libanais qui se trouvent actuellement dans les prisons émiraties en raison de leurs liens présumés avec le Hezbollah », a expliqué la porte-parole du parti chiite. Elle précise qu’il tente d’obtenir leur libération avant la fin du ramadan, soit vers le 10 avril.
Wafic Safa est connu pour son rôle prépondérant en tant que négociateur en chef du Hezbollah dans diverses affaires politiques et militaires. Les Etats-Unis avaient annoncé en 2019 des sanctions à son encontre. Il était à l’époque responsable de la coordination du parti avec la communauté internationale et avec les forces de sécurité libanaises, selon le Trésor américain.
Contactée par L’Orient-Le Jour, Hanine Ghaddar, chercheuse principale au Washington Institute For Near East Policy, estime que cette visite pourrait ne pas être limitée à la question des détenus libanais. « Nous savons que le Hezbollah est en position de faiblesse dans la confrontation avec l’armée israélienne à la frontière sud, affirme l’experte. Il se pourrait que les Émirats jouent un rôle de médiateur pour calmer l’escalade au Liban et négocier un accord avec le Hezbollah, qui doit encore donner certaines garanties pour un cessez-le-feu ».
La mission du responsable chiite intervient alors que la guerre à Gaza et le conflit entre le Hezbollah et Israël au Liban-Sud entrent dans leur sixième mois. Depuis le 8 octobre, au lendemain de l’assaut du Hamas contre l’État hébreu, le Hezbollah tire des missiles sur des cibles militaires dans le nord d’Israël. En retour, ce dernier bombarde lourdement des villages libanais. Au moins 223 combattants du Hezbollah sont morts au Liban, ainsi que 49 civils.
« Cette visite de Wafic Safa aux Émirats arabes unis pourrait également s’inscrire dans le cadre de pourparlers avec l’Iran qui impliquent le Liban. Mais Wafic Safa a un travail très spécifique qui tourne autour des questions de sécurité dans ce pays. Donc je dirais qu’il pourrait tout aussi bien s’agir des détenus, le Hezbollah donnant quelque chose en retour : soit à Israël, soit dans le dossier de la contrebande de Captagon », poursuit-elle.
Randa Slim, chercheuse et directrice du Conflict Resolution and Track II Dialogues Program au sein du Middle East Institute, a déclaré sur X que « bien qu’il ne faille pas trop interpréter l’ordre du jour de cette visite, le fait qu’elle ait lieu et que Safa soit accueilli à Abou Dhabi constitue un développement majeur ». « Après tout, Safa est une figure importante du Hezbollah et non un fonctionnaire libanais », a-t-elle ajouté.
En mai 2023, le ministère libanais des Affaires étrangères avait annoncé la libération d’une dizaine de Libanais détenus aux Émirats arabes unis. Ces libérations intervenaient moins d’un mois après le décès en prison d’un de leurs compatriotes, Ghazi Ezzeddine. Aboul-Fadl Choumane, porte-parole des familles des détenus aux émirats, avait alors indiqué que six Libanais, dont quatre condamnés à la prison à perpétuité et deux à 15 ans d’enfermement, étaient toujours détenus aux Emirats.
Ces dernières années aux Émirats arabes unis, des dizaines de Libanais, en majorité chiites, ont été arrêtés et parfois condamnés ou expulsés pour des liens présumés avec le Hezbollah, qui est inscrit par le gouvernement émirati et plusieurs autres monarchies du Golfe sur la liste des organisations terroristes. Ces arrestations sont intervenues dans un contexte de tensions régionales et d’un bras de fer continu entre les monarchies sunnites du Golfe et l’Iran chiite. Un rapprochement a cependant eu lieu entre les deux puissances régionales en mars 2023.
Aussi, en octobre 2021, les Émirats, l’Arabie saoudite, Bahreïn et le Koweït avaient rappelé leurs diplomates du Liban à la suite de remarques controversées faites par l’ancien ministre libanais de l’Information Georges Cordahi au sujet de la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen. Ce n’est que deux ans plus tard que le Premier ministre libanais sortant, Nagib Mikati, et le président des Émirats arabes unis, Mohammad ben Zayed (MBZ), ont convenu à Abou Dhabi de rouvrir l’ambassade émiratie à Beyrouth.