L’acteur, déjà mis en examen depuis 2020 pour « viol » et « agression sexuelle » sur une comédienne, est accusé d’avoir agressé deux membres de l’équipe de tournage des « Volets verts » en 2021.

C’est l’aboutissement d’une série de plaintes déposées début 2024. Lundi 29 avril, au terme d’une journée de garde à vue, Gérard Depardieu s’est vu remettre une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel en octobre. « Il sera jugé (…) pour des agressions sexuelles susceptibles d’avoir été commises en septembre 2021 au préjudice de deux victimes, sur le tournage du film Les Volets verts », précise le parquet de Paris. Une troisième plainte, portant sur des faits survenus en 2014 sur le tournage du film Le Magicien et les Siamois, est susceptible d’être frappée de prescription.

L’acteur de 75 ans, présumé innocent, conteste les faits qui lui sont reprochés.Contactés, ses avocats, M^es Christian Saint-Palais et Béatrice Geissmann-Achille, n’ont pas répondu aux sollicitations du Monde.

« Mes clientes ont confiance dans la justice. Si le parquet a décidé de poursuivre M. Depardieu, c’est qu’il estime qu’il a suffisamment d’éléments », estime pour sa part Carine Durrieu-Diebolt, avocate de deux des trois plaignantes. « Il est temps qu’il soit jugé pour les violences sexuelles dénoncées depuis des années. Il est aussi temps qu’il y ait une loi sur la “prescription glissante” », poursuit-elle. Cette notion, qui existe pour les victimes mineures, permet de prolonger les délais de poursuite d’une agression ancienne si l’auteur des faits a commis d’autres agressions ultérieures, non prescrites pour leur part.

Les témoignages contre l’acteur ont commencé dès 2018. Dans le sillage de #metoo, la page « Paye ton tournage » – qui partage sur les réseaux sociaux des récits anonymes de violences sexuelles dans le cinéma – lance un appel concernant Gérard Depardieu, sans nommer directement l’acteur, après avoir reçu deux alertes le concernant. Cette même année, l’actrice Charlotte Arnould, alors âgée de 23 ans, porte plainte pour « viol » et « agression sexuelle », entraînant une première mise en examen de l’acteur en 2020.

« Il m’a lancé : “On se reverra, ma chérie !” »

Mais c’est seulement trois ans plus tard qu’une série d’événements précipite le dépôt de trois nouvelles plaintes, selon le récit des plaignantes. En avril 2023, Mediapart publie les témoignages de treize femmes accusant le septuagénaire de violences sexuelles. L’acteur conteste toute violence sexuelle dans une lettre ouverte publiée en octobre par Le Figaro. « Jamais au grand jamais je n’ai abusé d’une femme, écrit-il. Faire du mal à une femme, ce serait comme donner des coups de pied dans le ventre de ma propre mère. »

Le 7 décembre 2023, l’émission « Complément d’enquête » diffuse des archivesdans lesquelles M. Depardieu sexualise une petite fille. Ce qui n’empêche pas cinquante-six personnalités du monde de la culture de signer, fin décembre, une tribune de soutien à l’acteur dans Le Figaro.

C’en était trop pour Pauline (les prénoms ont été modifiés), qui dépose plainte début janvier, suivie par Amélie en février et Sarah en mars. En 2021, Amélie, 53 ans, est décoratrice sur le film Les Volets verts. Alors qu’elle travaillait, le comédien l’aurait « attrapée avec brutalité », avant de lui « [pétrir] la taille, le ventre, en remontant jusqu’à [ses] seins », précise-t-elle dans sa plainte, révélée par Mediapart. « Viens toucher mon gros parasol, je vais te le fourrer dans la chatte… », aurait-il ajouté. La décoratrice tente de se dégager, en vain, jusqu’à l’intervention des gardes du corps de l’acteur. « Il m’a lancé : “On se reverra, ma chérie !” », poursuit-elle. Plusieurs collègues d’Amélie sont témoins de la scène. Des excuses sont exigées. Quelques jours plus tard, alors que Gérard Depardieu recroise Amélie, il s’exclame : « Ah, la voilà enfin ! L’emmerdeuse qui fait des histoires ! Je m’excuse, t’es contente ? »

Ce n’est pas le seul incident sur le tournage des Volets verts. Le 31 août 2021, l’acteur aurait profité d’être seul avec Sarah, une assistante réalisatrice de 33 ans, pour lui « [toucher] les fesses » une première fois, selon sa plainte dévoilée par Mediapart. Avant de lui toucher de nouveau « la poitrine [et] les fesses » plus tard. Nouvelles demandes d’excuses et même réaction de l’acteur, qui l’aurait « traitée de “balance” ».

« Ses paluches partout sur mon corps »

La troisième plainte, celle de Pauline, une assistante de tournage, porte sur des faits qui auraient eu lieu sur le tournage du film Le Magicien et les Siamoisen 2014. L’acteur n’est pas renvoyé devant le tribunal pour ces faits anciens. Ils éclairent cependant ses méthodes supposées – selon les informations du Monde, la jeune femme a d’ailleurs été convoquée pour une confrontation avec Gérard Depardieu, qui s’est tenue en parallèle de sa garde à vue de lundi.

Dans le Courrier de l’Ouest, Pauline, 24 ans à l’époque des faits, a expliqué qu’elle avait dû se rendre seule chez l’acteur pour quelques préparatifs d’avant tournage. Elle est accueillie par M. Depardieu, son agent de sécurité et deux autres personnes. Le comédien lui aurait ensuite demandé de monter à l’étage, avant de la rejoindre. « Arrivée en haut, je lui ai demandé des informations. J’ouvre un placard et il me pousse dedans en me prenant les fesses et en criant : “Hurle ! Hurle ! Ça va les faire jouir en bas” », explique-t-elle.

Pendant le tournage, elle a tenté d’éviter de se retrouver seule avec l’acteur. Mais dans le couloir qui mène au plateau, ce dernier lui aurait saisi le poignet et aurait mis la main sous sa jupe, avant de s’arrêter à l’arrivée d’un technicien. « Sortir du silence a nécessité un long cheminement », a expliqué la jeune femme au journal régional, encore hantée par « ses paluches partout sur [son]corps ».

Trois autres plaintes ont été déposées contre l’acteur. Selon nos informations, l’instruction de celle de l’actrice Charlotte Arnould est terminée depuis le 17 avril.Celle pour « agression sexuelle » déposée par la comédienne Hélène Darras en 2023 a été classée sans suite pour prescription – les faits dénoncés datant de 2007. Une dernière plainte, pour « viol », a été déposée par la journaliste Ruth Baza, pour des faits datant de 1995. En tout, vingt femmes ont témoigné devant la justice ou la presse contre Gérard Depardieu de faits de violences sexuelles.