Une riposte à la riposte commandant inévitablement à son tour… une riposte bien évidemment, et ainsi de suite… Rarement spirale de la violence– capricieux et dévastateur mécanisme dont sont hélas coutumiers le Proche et Moyen-Orient – aura à tel point alarmé et mobilisé le reste du monde que l’actuelle épreuve de force entre Israël et l’Iran.
Hier encore, le cabinet de guerre de Benjamin Netanyahu continuait de plancher sur la manière la plus adéquate de répondre à l’attaque aux bombes volantes lancée le week-end dernier par la République islamique, en représailles à la frappe israélienne du 1er avril contre le consulat iranien à Damas. Parallèlement, Téhéran se promettait une fois de plus de réagir encore plus durement à toute action israélienne. Face au choc de ces implacables volontés, le tout est donc de savoir laquelle des deux pourrait se risquer à franchir le seuil fatidique. Oui, laquelle se hasardera à placer le décisif coup au but, le coup de trop, le smash qui transformerait en guerre totale ce qui, en dépit de son caractère hautement volatil, n’est encore qu’un rude et spectaculaire échange de politesses entre militaires où l’on voit les adversaires se repasser à tour de rôle le brûlant ballon.
C’est précisément là qu’entrent en scène les majors américain et russe pour inciter au calme ces deux turbulentes puissances régionales. Avant même que de lancer (mais seulement après préavis) ses engins, ainsi voués à une annihilation quasi certaine, l’Iran, usant des relais postaux turcs ou émiratis, semble avoir pris soin d’informer les États-Unis qu’il ne fallait voir dans cette corrida aérienne qu’un baroud d’honneur ne reflétant nul désir de s’aventurer plus loin. De telles assurances ne pouvaient qu’être douce musique pour les oreilles de l’administration Biden. Car s’ils ont activement pris part au massacre de missiles, entraînant dans leur sillage Britanniques, Français et même Jordaniens ; s’ils se proposent d’infliger un nouveau train de sanctions à l’Iran, les Américains ont bien signifié à leur protégé israélien qu’en aucun cas ils ne s’associeraient à leur revanche annoncée. Faisant écho aux inquiétudes US, Vladimir Poutine a appelé les protagonistes à la retenue, mettant en garde contre les conséquences catastrophiques qu’aurait toute escalade pour l’ensemble de la région.
Tout cela est-il toutefois suffisant pour faire entendre raison à un Netanyahu acculé à jouer sa survie politique sur les champs de bataille, et lui-même débordé à sa droite par les va-t-en-guerre qu’inclut son gouvernement ? Et maintenant que la confrontation l’oppose directement à l’Iran et non plus à ses affidés, de quel prix en pertes humaines et en destructions Israël est-il prêt à payer le grand saut, s’il devait s’y résoudre ? Pour nombre d’experts, on aurait bien tort ainsi de tenir pour risible pétard mouillé les salves de drones et de missiles neutralisées avec fracassant succès. Qu’arriverait-il en effet si non plus 300 mais 3 000 engins étaient catapultés d’une seule volée – et sans préavis cette fois – ce qui porterait à saturation les barrages de défense, pour prodigieusement performants qu’ils puissent être ? Et surtout, quel intérêt auraient les Israéliens à neutraliser par knock-out un Iran dont l’expansionnisme effréné et les menées déstabilisatrices ont eu pour inimaginable effet de jeter plus d’un État arabe dans leurs bras ?
Possible et même probable est une opération punitive contre la République persane, du moins à en croire les tonitruantes menaces de Tel-Aviv. Passé maître en ruses guerrières, l’État hébreu pourrait fort bien cependant frapper aux membres, plutôt qu’à la tête. Après tout, c’est au nom de la territorialité sacro-sainte, de l’immunité diplomatique impudemment violée à Damas, que l’Iran s’est résigné à croiser le fer, pour la première fois en direct, avec Israël. Mais n’est-ce pas avec la même impudence que les généraux des pasdaran ont fait du Liban-Sud une extension de leur sol, du Hezbollah leur bras armé ?